DÉCLARATION
J’espère partager avec la personne qui regarde mes photos une expérience riche et onirique, un point de référence à partir duquel explorer les âmes. Pour atteindre ce but j’utilise plusieurs appareils photo sans objectif. Le sténopé a la particularité de suggérer l’objet plutôt que de le représenter. Cette suggestivité comporte un profond mystère, que l’on ne découvre pas à la surface de l’image mais plutôt dans sa singulière représentation.
Lorsque je mêle cette technique et mon choix de sujet, la photo “respire” et devient un environnement métaphorique. La singularité de la photo au sténopé réside dans des temps de pose très longs, de quelques secondes à plusieurs heures ou jours, ou pour les solargraphes, jusqu’à six mois. Cette exposition en continu produit des effets que l’oeil ne peut percevoir. Des sujets en mouvement deviennent translucides, du fait de leur qualité vibrante, d’autres seront peut-être complètement invisibles. Des objets inclus pendant la prise de vue seront invisibles sur le tirage final.
La Série “Solargraphe” est basée sur l’idée que la course du soleil dans le ciel change chaque jour et que donc une longue exposition produira une image cumulée de ces parcours. J’installe un appareil sténopé fait à la main pointant vers le ciel sur le chemin que suivra le soleil pendant les six mois que dure le solstice, d’hiver à été ou d’été à hiver. L’image finale n’est pas un montage mais le résultat d’une seul et longue exposition continue pendant six mois. Ce travail fait le lien entre des techniques anciennes traditionnelles et les techniques numérique actuelles. Les tirages de chacune de ces images sont imprimées sur un papier composé de pure fibre de coton avec des encres permanentes.
La série “Reflets” est une expérience aussi bien dans la méthode que dans son concept. Utilisant l’idée que l’eau en mouvement et une longue exposition produisent une accumulation d’images, je pointe la camera vers la surface de l’eau en opposition directe avec la lumière du soleil. Debout dans l’eau, je découvre à la surface des formes de réflexions solaires, poussées par les courants et les objets immergés. En utilisant un filtre rouge, la réflexion produit une forme abstraite sur un fond opaque. Ces photos ne sont pas que de simples abstractions, leurs origines sont intégralement organiques.
La série “Head” a été photographiée avec un sténopé fabriqué à la main, utilisant du film 4×5 inch et un filtre orange. Je dirige le sujet et chorégraphie ses mouvements pendant une longue et unique pose de deux minutes. Le résultat n’est pas un montage de plusieurs portraits mais plutôt une performance singulière puisque le sujet change de position pendant l’exposition et accumule ainsi différentes images sur un seul plan-film. La peinture de Francis Bacon fut une inspiration pour cette série.
La série “Window” a été photographiée avec un sténopé et inspirée par une fenêtre du XVIII ème siècle, trouvée dans mon grenier. Cette fenêtre m’a servi de support et d’inspiration pour cette série d’images que je continue à produire. Mon intention est de donner au public, une conscience du voyeur qui vit en chacun de nous. Tous les tirages sont exécutés sur du papier fibre baryté chlorobromure d’argent ou du lin photo-sensible, révélé avec un développeur lithographique qui produit cette couleur unique et fait ressortir à la surface de l’image les fibres du support.
Un tirage peut être réalisé de mille façons différentes. Le choix des matériaux, la qualité tactile du tirage sont très importants. Le tirage entre pour moitié dans la conception de la photo. Des décisions conscientes engendrent des effets inconscients. Le monde du tirage dans son ampleur n’a d’égal que le monde de l’image.
Il entre un nombre infini de paramètres et de variables dans la réalisation d’une image et parfois ils produisent une grande et forte émotion.
- 19991016-01 from the Orbit Series
- Expo Musée de Vendôme